Des données ouvertes narratives

Après nos deux causeries de l’hiver et du printemps (Machines à conter et Narrations interactives & Big Data), la question des données continue son chemin au sein du chapitre provençal de Storycode.

Pour mieux cerner cette question, je reprend l’angle d’approche qui nous concerne soit:

• une perspective d’auteur audiovisuel

D’une telle perspective, je considère aussi le contexte que nous continuons d’apprivoiser:

• un contexte interactif

J’aborde ainsi le couplage donnée-métadonnée en fonction de cette perspective et de ce contexte et… je replonge dans la profondeur du sens que porte le terme narrations interactives. Puisque nous pouvons convenir que cette narration, exprimée par un auteur, s’articule sur une donnée numérique, nous pouvons aussi établir que, pour envisager cette donnée dans sa dimension interactive, la donnée narrative peut être décrite par une métadonnée qui permet sa recherche, sa découverte, sa ré-appropriation et sa recomposition – son mashup donc – sur le web et sur Internet.

D’autant plus qu’un auteur audiovisuel qui utilise une caméra numérique compose déjà avec les métadonnées. Par exemple, une image ou un plan (une donnée donc) captée par l’appareil génère une métadonnée du standard EXIF (Exchangeable Image File Format) qui informe sur la date et le lieu de capture, les paramètres de la caméra ou l’identité du créateur.

Dans un contexte interactif toutefois, pour imaginer des expériences possibles à partir de ces données et métadonnées narratives, il me semble essentiel de chercher une granularité plus fine dans la donnée numérique qui articule la narration. L’idée s’inspire en partie des musiques électroniques et des musiciens qui re-combinent de nouveaux morceaux en segmentant des morceaux existants: riff par riff, rythme par rythme, mélodie par mélodie. De là, je me pose les mêmes questions: Quel est l’équivalent du sample musical pour le cinéma ou la narration audiovisuelle? Quelle est la pertinence de cette méthode de création dans un contexte interactif tel celui du web et d’internet?

Des cinéastes ont déjà cherché à dégager des éléments primaires de l’image de cinéma. Des samples cinématographiques à partir desquels de nouvelles créations sont possibles. Je garde pour ma part à l’esprit les cinèmes que le cinéaste italien Pier Paolo Pasolini décrit dans L’expérience hérétique: langue et cinéma. Il y définit les cinèmes comme les “objets qui se coordonnent à l’intérieur d’un plan”. Avait-il pressenti la vision numérique (computer vision) qui, par des algorithmes, permet d’identifier des composantes connectées et d’extraire des caractéristiques visuelles à l’intérieur de séquences vidéo, des nuages de pixels qui portent chacun leur sens? D’une certaine manière, sa perception du langage cinématographique peut devenir un point de départ pour l’auteur audiovisuel qui aborde sa narration dans un contexte interactif. Elle aide à penser et choisir une direction des données narratives.

Données narratives

Parce que ce l’auteur d’une narration interactive s’exprime à travers une matière numérique, il baigne dans les idées qui influencent l’évolution des technologies internet. Parmi elles, la place des données reste centrale. Je peux m’inspirer du sampling des musiques électroniques ou des cinèmes de Pasolini. Toutefois, le mouvement qui, de Tim O’Reilly à Tim Berners-Lee, accorde un rôle capital à la donnée m’incite à revisiter sous cet angle les éléments primaires d’une narration interactive. J’envisage alors une donnée narrative qui:

• s’articule sur une séquence ou un flux audiovisuel;
• est une composante connectée avec d’autre à l’intérieur de cette séquence ou de ce flux;
• peut être sélectionnée et considérée dans le cadre d’un processus de création artistique;
• peut être détectée et extraite dans le cadre d’un processus technique de vision numérique;

Abordée en ce sens, une donnée narrative ne révèle donc qu’une strate parmi les diverses strates que comportent un plan de cinéma ou flux audiovisuel. Elle perce ce flux en profondeur pour révéler une parmi ses multiples composantes. Une donnée narrative peut aussi se révéler au-delà d’un flux audiovisuel. S’il aborde sa création dans un contexte mobile, le créateur d’une narration interactive pourra par exemple considéré une coordonnée géographique dans son choix de données narratives. Quoi qu’il en soit, chacune de ces données peuvent ensuite être décrites par une métadonnée, “une donnée sur la donnée” narrative. Une métadonnée narrative qui peut, par exemple:

• décrire la présence d’un personnage;
• décrire la trajectoire d’un objet;
• décrire une forme;
• décrire une texture ou une couleur;
• décrire un son ou une musique;
• décrire des coordonnées géographiques et temporelles;
• indiquer la durée de la donnée narrative;
• indiquer la taille de la donnée;
• indiquer le lieu de création et le nom des créateurs;
• être structurée pour faciliter l’indexation et la réutilisation créative d’une donnée narrative sur Internet.

Le dernier point invite à un choix créatif qui considère des idées essentielles qui traversent les technologies du web et d’internet. Le créateur de narration interactive qui structure ses données et métadonnées suivant des principes du web des données ouvertes (linked open data) invite à une découverte de son univers au-delà des silos imposés par des dispositifs et des plateformes. Sa “direction des données” implique un choix créatif qui influence déjà les “modes d’interaction” avec sa narration. Son point de vue sur le monde s’exprime auprès des humains et devient appréciable… par les machines.

Photo: Daniel Robert via unsplash.com / Licence: Creative Commons Zero

About Djela

Through information architecture and interaction design, I explore methods to communicate interactions between humans and audiovisual streams. To stimulate creative collaboration between web developers and cinema makers, I imagine possibilities opened by interactive contexts and explore methods between interaction design and remix culture to communicate how computer codes can play with cinematic streams. All this come from a passion for what "cinemaking" inspired to my understanding of the world.
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